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LA PHILOSOPHIE CHEZ GERMINA

Rendre la philosophie populaire.

Notre début au monde en tant qu'être humain

   Il faudrait toujours à nouveau revenir sur cette subjectivité qui nous frappe tellement par son caractère essentiel. Que serions-nous sans nos idées, nos sentiments, nos désirs à nous ?

   J'aimerais aussi évoquer l'attention. Que serions-nous sans cette faculté de faire attention ? Nous donnons notre attention à celui qui est en train de nous parler, qui peut être n'importe qui, mais qui peut être tout aussi bien un être pour nous irremplaçable.

   Je peux faire attention à un oiseau qui vient de se poser tout près de moi, me plonger dans la beauté de son plumage, dans la spontanéité et la liberté de son comportement.

   Bref, inutile de s'étendre. Il y a là une faculté humaine première qui paraît à bien des égards être le tout de la subjectivité humaine, mais que l'on aurait envie d'évoquer plutôt comme le noyau du sujet que nous sommes. Le noyau primitif de notre être au monde.

   Eh bien, posons-nous la question : d'où vient la subjectivité ? Quelle cause la provoque ? Par exemple, pourquoi avons-nous un tel besoin de faire attention aux choses et aux êtres, à tel point que nous sommes poussés à prendre la plume, le micro ou la caméra pour en recueillir l'existence ?

   Je suis convaincu que l'on peut répondre très clairement à cette question. Bien entendu, nous ne creuserons pas le cœur même de l'énigme, mais nous en aurons une conception suffisante. Ainsi, on peut se demander : « Qu'est-ce qui a provoqué cet incendie ? Comment le feu s'est-il déclaré et propagé ? » Nous pouvons obtenir une réponse satisfaisante, sans rien connaître des processus chimiques d’oxydoréduction qui produisent les flammes.

   L'hypothèse que je voudrais soutenir à ce propos est extrêmement simple : nous provoquons en nous l'existence d'une subjectivité parce que nous subissons incessamment le traumatisme d'être nés. Peut-être faudrait-il nuancer, préciser, indiquer que nous ne provoquons au fond pas grand chose : nous subissons le fait d'être là, d'être existant. Et pourtant, en un certain sens, nous le provoquons ce fait, sans doute parce que nous avons dans une certaine mesure l'initiative de la réceptivité. Vous pouvez être totalement indifférent au fait d'exister, mais vous pouvez aussi, librement, en sentir le contrecoup.

   Bref, je suis convaincu que nous sommes ici devant une question de l'origine, une des plus vieilles questions que l'humanité se soit posée. Quelle origine est ici entrevue, à peine pensée, mais très précisément repérée et subie tout au long de la vie ?

   « Excepté l'homme, dit Schopenhauer, aucun être ne s'étonne de sa propre existence ». Il ajoute : « […] de cet étonnement naît le besoin métaphysique qui est propre à l'homme seul », Le Monde comme volonté et représentation. Et si cette thèse pouvait être généralisée ? Si tout ce qui nous rend humain n'était que l'étonnement d'exister ? Si cet étonnement, vécu originairement comme un choc, comme un traumatisme, était constitutif de ce tout que nous sommes ? Il y aurait certes à interroger plus à fond cette notion de traumatisme originaire. Mais déjà, il nous paraît assez clair que l'on peut se constituer tout entier autour d'un choc, éventuellement tragique et douloureux (des écrivains d'aujourd'hui comme Édouard Louis, Vanessa Springora, et tant d'autres, en témoignent).

   Je voudrais, pour conclure, formuler le plus nettement possible la thèse qu'il me paraît lumineux de défendre.

   Tout ce que nous sommes à titre de sujet pensant (immense, chaotique richesse...) est l'effet d'une stupéfaction traumatique et originaire d'exister (désolé, pour la lourdeur du style, mais ici tous les mots me semblent essentiels).

   « Effet », disons-nous, et il nous semble qu'il y aurait tant de manières de décrire cet effet : contre-coup, réplique, ébranlement, retour obsédant de l'originaire, présence actuelle, jamais assagie, de notre enfance...

   Cet effet devrait être compris comme une organisation première, primitive, exceptionnelle de l'être que nous sommes. Si nous devons nous organiser sous le coup d'un traumatisme primordial, il n'en demeure pas moins que nous avons la nécessité de déclencher (ou de voir se déclencher) cette organisation. Ce déclenchement est remarquable : il se fait une fois dans la vie, il se fait une fois pour toutes, et pourtant, mystérieusement, il ne cesse de se réactualiser. Chaque moment important de la vie (et particulièrement les moments d'attention et de prise de conscience) réinitialise, réenclenche le moment originaire de stupéfaction.

   Il me semble qu'il y a là une bonne nouvelle. L'humanité fonctionne toujours sous le régime d'une réactualisation, qui est un nouvel enclenchement, qui est un départ de zéro, sous la protection de l'originaire.

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J
Quel plaisir de vous relire, cher ami !
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