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LA PHILOSOPHIE CHEZ GERMINA

Rendre la philosophie populaire.

La souveraineté un mal non nécessaire? (suite)

 

 

Jean-Jacques Rousseau

La souveraineté populaire. La souveraineté dite « populaire » repose sur l'idée que le peuple, n'est pas seulement le fondement théorique de la souveraineté (comme dans le cas de la souveraineté dite « nationale »), mais l'est réellement.

Avec l'idée de souveraineté populaire, nous passons d'une souveraineté posée, supposée, proclamé, à une souveraineté qui résiderait au cœur même de la société, ferait battre son cœur en quelque sorte, en ferait une unité collective et active, productrice et inventive.

Théoriquement (et combien l'on voudrait que cette théorie soit appliquée et ait des effets réels!) une souveraineté populaire n'aurait pas fondamentalement besoin de chefs ou de représentants souverains.

Les gens, pris dans leur ensemble (en dehors de très rares exceptions) ont le souci de l'intérêt général et veulent veiller au respect des biens communs de l'humanité. Et pour ces objectifs vitaux et principaux, ils sont prêts à se mobiliser. Pour une raison qui est incroyablement simple : se mobiliser pour l'avenir de la société et du monde, c'est agir dans son propre intérêt certes, mais aussi dans l'intérêt de ses enfants et de toute sa descendance.

Dans une souveraineté qui serait réellement populaire, le peuple devrait toujours avoir le dernier mot (et le premier en quelque manière). Il pourrait débattre des lois indépendamment de quelconques représentants élus et, bien entendu, de quelconque chef suprême de la nation.

Mais qu'est-ce qu'un peuple ? Si la nation n'est au fond qu'une idée (qui, certes, est lestée d'un riche contenu concret), le peuple est une réalité à part entière. Le peuple, ce sont les gens. Les gens qui défilent sur les trottoirs, s'accumulent aux carrefours, provoquent des bouchons avec leurs automobiles, s'entassent dans les métros, font des queues devant les guichets, envahissent les plages... Le peuple, c'est chacun.

Jean-Luc Mélanchon a provoqué un tollé quand il a proclamé : « La République, c'est moi ! » L'expression était ridicule parce que la République, tout autant que la nation n'est qu'une idée. Il serait tout aussi déplacé de dire : « Le courage, c'est moi », « La beauté, c'est moi ». En revanche, dire « Le peuple, c'est moi » n'est nullement faux, encore moins ridicule. Le peuple, c'est tout le monde. Dire : « Le peuple, c'est moi », est la plus puissante des revendications politiques légitimes imaginables.

Elle implique que la souveraineté est nécessairement partagée, en un sens très fort, c'est-à-dire détenue par chaque citoyen. Cela implique que le peuple peut contrôler ses représentants et ses gouvernants, qui deviennent ainsi des « ministres », au sens étymologique de « serviteurs ». Les ministres et gouvernants sont au service du peuple et non de leur propre puissance (et pour le dire, en termes modernes, leur « image » ne compte pour rien).

Il n'y a cependant aucune contradiction entre une souveraineté populaire et l'élection de représentants. Ceux-ci reçoivent de toute nécessité, de la part de ceux qui les ont élus, un mandat impératif, ce qui en fait bien des serviteurs du peuple.

Signalons au passage que la souveraineté « populaire » implique l'exercice de la démocratie participative, de la démocratie directe, ainsi le recours aux référendums, comme le Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC) réclamé par les Gilets Jaunes. Dans son principe, elle défend, bien entendu, bien d'autres choses.

Cette conception de la souveraineté populaire n'entre pas en contradiction frontale avec le fonctionnement d'une souveraineté nationale, elle peut même être compatible avec cette dernière. Ce qu'elle apporte comme idée fondatrice est de déstabiliser quelque mécanisme gouvernemental que ce soit qui se présente comme autonome et actionné par une élite politique, économique, intellectuelle qui se détourne des gens ordinaires et ne répond pas exclusivement aux vœux des humains.

L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 contient une légitimation de la démocratie populaire : « La loi est l’expression de la volonté générale ; tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. »

L'un des effets les plus chargés d'avenir de la Révolution française a été de faire du peuple le souverain.

De même l’article 3 de la constitution française de 1958 inclut un principe de souveraineté populaire : « la Souveraineté nationale appartient au peuple [paradoxale identification de la nation et du peuple] qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

Cependant que penser d'une souveraineté qui serait à la lettre « populaire » ? Le principe paraît, je l'avoue, irréprochable. Mais seulement à la condition que cette « souveraineté » ait des effets réels et non simplement théoriques. Si elle implique que chacun soit appelé en quelque sorte à gouverner (c'est à dire à se faire initiateur ou acteur d'un changement utile à la société), l'idée de souveraineté populaire pourrait garder quelque sens.

Mais, admettons-le, si tout le monde est souverain, personne ne l'est. La souveraineté « populaire », prise à la lettre, est le glas de toute souveraineté.

 

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